Bien sûr que tous les jeunes ne sont pas ainsi. J'en côtoie de brillants, de merveilleux qui possèdent une culture et une autonomie que je leur envie. Mais, ils font malheureusement partie de l'"élite", de ceux pour qui être citoyen a un sens.
Certes les enseignants n'ont plus la capacité à leur donner le goût de l'effort, de l'éveil mais c'est en grande partie lié à la baisse des exigences, à l'obligation de suivre des programmes pré-établis et souvent absurdes. Ne jamais montrer le problème, refuser l'erreur, l'échec. La société a donné un tel poids à l'école qu'elle l'a accusée de tous les maux. On n'a plus le droit d'être un mauvais élève, plus le droit de souligner les problèmes.
Ces beaux programmes, qui ont nié les apprentissages systématiques, qui ont refusé les cours théoriques, n'ont permis que de favoriser les classes sociales favorisées, celles qui avaient les codes, celles qui pouvaient se permettre de "rêver", "penser", "étudier". On n'apprenait plus à lire et compter mais tout se fonde sur une maîtrise de la lecture et des mathématiques.
L'école a refusé de résister. L'école a refusé d'être une parenthèse. L'école accueille tout le monde mais ne représente presque personne.

Les élèves sont intelligents, bien plus qu'il y a vingt ou trente ans. Mais on nie leur intelligence, on nie leurs capacités parce qu'on refuse de les contraindre, parce qu'on refuse de les éduquer. De mon point de vue, ce sont les parents les plus responsables. Pas forcément coupables, pas forcément volontairement malfaisants, bien au contraire. Mais, il n'est pas rare de constater qu'un placement en internat permet à l'élève de progresser.
La société a changé, certes, mais si, aujourd'hui, je devais être élève dans cette conception démagogique de l'élève et de l'enseignement, jamais je n'aurais réussi. Si l'école ne m'avait pas obligée à travailler, à apprendre, si elle ne m'avait pas donné la culture que mes parents n'avaient pas, si elle m'avait donné l'illusion que ma non culture était la bonne, alors, je serais restée dans la lignée de mes parents.

Alors, enseignante, je tente de rendre ce cadeau que l'école m'a offert. Je refuse l'angélisme, je refuse les copies mal écrites, les devoirs peu soignés sous prétexte que c'est déjà bien. Parce que je respecte les élèves, je suis exigeante, parce que je pense que tout le monde peut réussir, je refuse le bruit inutile, les bavardages incessants. PArce que je pense que toute personne a le droit à un enseignement de qualité, je refuse de leur donner le dernier manga à la mode à lire. Je ne méprise pas leur savoir, leurs connaissances. Mais ils n'ont pas besoin de moi pour cela. Moi, je suis payée, fonctionnaire. J'ai donc le devoir de leur donner le meilleur.
J'échoue, souvent. Trop inculte, trop incapable d'écrire correctement, trop "prolo", je n'ai pas toujours tout ce qu'il faudrait pour leur permettre de mieux apprendre mais il y a une chose que je sais: malgré mon autorité, mes exigences, mes punitions, ils viennent avec le sourire et travaillent même si, bien sûr, ils détestent cela.