Mercredi 21 janvier 2015 à 15:12

Se taire parce que je ne sais quoi dire. Happée par les événements, happée par la vie. Marcher ou non? Etre ulcérée mais ne pas savoir quelle attitude adopter. Rester abasourdie devant ceux qui savent, ceux qui semblent tellement sûrs d'eux, ceux qui n'ont aucun doute.
Y aller. Parce que rester était pire. Mais s'interroger devant ces salves d'applaudissements qui se propagent sans maîtriser leur source. Se sentir mal à l'aise devant cette foule ahurie, tous ce gens qui avancent d'un même pas, sous un même mot, sans une once d'hésitation. Ne rien condamner mais s'interroger, interroger le sens, interroger cette peur d'une massification, d'un embrigadement. Certes la cause est belle mais de l'utopie à la contre-utopie les procédés ne diffèrent guère.

Se taire. Proposer le doute, ce doute si dérisoire, ce doute si utile à la constitution de la connaissance. Les débats s'installent et sont nécessaires. Le débat, source de toute démocratie, source de liberté. Mais comment prendre part au débat quand on n'a pas les mots, quand on n'a pas ce minimum de connaissances qui permet de trier, de comprendre, de jauger, non pas juger mais prendre partie, peser, mesurer, débattre à son tour.

Se taire et rechercher frénétiquement les sources, les textes. Formidable accès aux textes, ces mots souvent colportés, déformés, détournés. Que disent-ils? Les connaissances sont minces. Notre culture n'est pas la culture des religions. Pays laïque où encore quelque territoire n'a pas séparé l'Eglise et l'Etat, comment connaître ce que l'on ne côtoie pas. Enseigner est-ce maîtriser. Est-ce parce que j'ai lu quelques extraits du Coran, de la Torah, de la bible que je connais ce dont on parle? Athée, peut-on comprendre cette nécessité du dogme? Quelle part de violence, de haine, de tolérance? On pourrait caricaturer les hommes, les pays, les régions mais pas les prophètes?

On lapide, on tue, on massacre. Qui gagne? Un dessin, c'est banal. Mais l'image, c'est plus compliqué que les mots. L'image nécessite une proxémie plus importance, une connivence fondée sur une culture commune. Le dessin suppose deux intelligences qui se rencontrent. On n'apprend guère à dire avec des mots, on ne sait encore moins enseigner le dire autrement.

Dire, l'amour du dire, des mots, du discours. Du verbe naît la connaissance, l'existence. De cette genèse tant lue et relue, ne me restent guère que ces mots: il dit et cela est. Dire pour exister, dire pour confirmer, infirmer, contredire, acquiescer, dire pour aimer, haïr, dire et seulement dire. LEs jeunes enfants souvent frappent quand ils ne maîtrisent pas le verbe mais peu à peu apprennent à différer, à réflêchir. Mais comment réfléchir quand on ne peut pas théoriser, verbaliser. Qui sont les victimes. Elles, bien sûr, tombées sous des balles ineffables mais qui encore? Nous, parce qu'on attaque notre liberté? Eux qui ont tiré parce qu'ils n'ont pas su voir qu'ils n'étaient que le jouet de fanatisme décérébrés?

Dire, se taire. Et ailleurs, combien de morts, combien de massacres sous nos mots silencieux? Combien faudra-t-il de morts pour qu'enfin nous réagissions?

Je me tais parce que je ne sais pas. Je ne peux dire à mes enfants clairement les raisons du mal. Je ne peux que les inviter à la clairvoyance, au doute, au respect, à la tolérance. Est-ce pour cela qu'ils devront se taire? Qu'ils n'auront pas le droit de rire d'un dogme qu'ils ne comprennent, n'acceptent, ne souhaitent pas? Dois-je tout accepter sans mesure?

La foi appartient à l'intime mais la religion n'est pas de cet intime. LA religion relève de la publicité, à savoir de ce qui est public, la religion est une succession de dogmes qui "règle" ce qui n'appartient qu'à soi, la foi.

Alors, oui, je hurle face à cette violence mais j'interroge, j'interroge le rôle de l'éducation qui a permis de telles personnalités, j'interroge le rôle de ces marches qui nous obligent à faire ce contre quoi nous luttons, j'interroge l'avenir de ces êtres que l'on refuse de contraindre, à qui on refuse l'accès à la culture, à la connaissance, j'interroge ces quartiers, je m'interroge moi, capable aujourd'hui de sourire, rire, oublier...

C'est quoi l'histoire? C'est quoi ces règles qui voudraient qu'on ne puisse dire ce que l'on pense d'un dogme, d'une loi, d'un choix.

Alors, je ne vois que le silence.

Je ne peux comprendre qu'un dessin puisse faire aussi mal même si je connais tellement bien l'art de ceux qui font semblant de ne pas comprendre, qui font semblant d'être offensés. Et puis, il y a les autres, réellement offensés, souvent parce qu'ils ne comprennent pas, parce qu'ils ne rient pas.

Lors de la cérémonie en mémoire d'Elsa Cayatte, des mots fort simples et pourtant fort justes ont été prononcés: laissons les hommes gérer leur vie. Mais gérer, c'est parler, instruire, écouter, répondre, utiliser les mots, ces liens tellement plus utiles que tous les autres. Mais, il est vrai que si tout le monde maîtrise les mots alors, il n'y a plus de pouvoir, il n'y a plus que la démocratie.

Mardi 20 janvier 2015 à 18:37


les emmerdes sont-elles moins pénibles au soleil?

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