Pourquoi aime-t-on? Comment sait-on qu'un être nous attire, nous plaît. A partir de quand peut-on dire que l'on est amoureux? Est-on toujours sûr d'aimer ou aime-t-on l'idée d'aimer?
Il m'attire, c'est la seule certitude. Depuis quand? Le flou commence. Avant Saint-Malo, je ne me rapppelle guère sa présence, son existence. Je devais lui parler, certes, mais rien ne m'encourageait à le côtoyer davantage. Alors Saint-Malo? Point de départ? Je ne le crois pas. J'ai certes apprécié sa présence, ses sourires, sa prestance mais je ne me souviens pas que la fin de ce séjour entraînât un quelconque manque. Alors? Après? Ce pot partagé pour fêter le brevet. Peut-être. Il est vrai que ce jour-là, le temps s'est arrêté. L'écouter, le regarder: j'étais bien. Mais les vacances sont arrivées et avec elle l'oubli de ce moment partagé.
Il doit pourtant y avoir un point de départ, quelque chose qui a exacerbé mes sens. Dès que je songe à cette relation, je revois sa main, cette main fine et délicate, robuste et tendre, sa main qui rédige je ne sais quelles lignes. Qu'écrit-elle? Peu m'importe. Pour elle, mes sens s'enflamment, mon esprit se damne. Quand eut lieu cette écriture? Une main écrivant peut-elle, à elle seule, justifier ces tourments?
Et ensuite? Sa présence de plus en plus conséquente, ses intrusions dans mes cours, son regard, ses ballades matinales, ses anecdotes, lui... Toutes ces raisons, aucune raisonnables, peuvent-elles expliquer notre situation?
Je ne sais me rappeler mais je me rappelle le jour où j'ai compris que j'étais mordue, perdue. Un repas à quatre, dans une pizzéria, un repas on ne peut plus banal, aux propos échangés sans intérêt, un repas qui vous sape le moral parce qu'il s'achève banal. De ce jour, j'ai essayé de me battre, de l'oublier, de ne plus y penser. Mais comment oublier lorsque l'autre continue d'être là, de vous sourire, de vous séduire, peut-être? Comment l'oublier quand, à chaque récréation, c'est le fauteuil près du vôtre qu'il choisit? Comment l'oublier quand, corrigeant vos copies, il reste face à vous, discutant, souriant, charmant? Votre esprit perd le contrôle, votre corps cherche le contact, sa présence. et chante Aragon...
Il dit qu'il y eut cette soirée; il la rend responsable de tous les maux. Bien sûr que cette soirée fut des plus agréables, fidèle à mes rêves, en deçà de mes envies. Mais n'a-t-il pas vu que ce qu'il voulait voir? Si mon coeur battait pour lui, mes gestes, mes paroles se destinaient à mes deux "coéquipiers". Je pensais avoir été discrète, avoir simplement profité de la fête. Même si mes yeux regardaient ses lèvres lorsque vint le moment de se quitter, je ne me souviens pas l'avoir dragué.
Suis-je la seule responsable? Faut-il un coupable? Séduite, je le suis; séductrice, je m'étonne. N'est-ce pas lui qui me donna de ses nouvelles un premier janvier, anéantissant tous mes efforts, entraînant ces heures d'errance pour se retenir de ne pas lui écrire, espérant l'apercevoir. Ne peut-on pas simplement se dire que l'on se plait et que se plaire nous plait?
Comment aime-t-on quand on n'a pas de temps, de lieu, le droit? A-t-on le droit de continuer? Pourquoi n'est-ce pas si facile de dire STOP? Parce que mon coeur palpite? Parce que mes jambes s'agitent dès que je le vois? Parce que le désir ne se noie pas?